jeudi 12 janvier 2017

Atelier pour apprendre à se connecter autrement ! Esprit de la nature et sagesse intèrieure









Atelier pour apprendre à se connecter autrement !

Développer ses sens subtils…
Son touché
                                                       Son écoute                                                                              



Sa vue
Son odorat

Le samedi : Apprendre à faire le silence en soi pour accueillir les messages des plans subtils et renouer avec l’écoute de ses guides…

Le dimanche : S’entrainer à lâcher les vieux modes opératoires pour aller vers de nouvelles énergies et de nouveaux fonctionnements.

Savourer l’instant vécu, tout simplement





Les Dates :

Samedi 21 et dimanche 22 janvier à la Roque d’Anthéron BDR

Samedi 11 février et dimanche 12 février à Montfleur dans le Jura

Samedi 25 et dimanche 26 février à la Roque d'Anthéron

Atelier Alsace annulé



Le samedi :
Puisque nous sommes en périodes hivernale et que le temps passé dehors risque d’être limité, l’atelier ne se fera que sur une demi-journée. Petits exercices, enseignements pour apprendre à utiliser au mieux, son canal de communication…
DE 14 h à 18 h
Participation : 30 euros
(50 pour la journée en Alsace)


Le dimanche :
Atelier de gestion de l’ego : le lâcher prise au travers de l’acceptation vrai !
Sans cette position de la conscience aucune transformation n’est possible !
Seul l’accueil permet la libération du jugement (du juge qui ment), et de donner accès à l’amour transformateur, force qui cherche toujours la meilleure expression possible !
Participation 80 euros la journée de 9h 30 à 17 h 30
Repas partagé et tiré du sac



Possibilité de faire les deux journées ou une seule

Si vous souhaitez être hébergés sur place :
Surla Roque : Rick roque                                                                

Pour tous renseignements
Evelyne 06 15 57 89 86
INSCRIPTION PAR MAIL/ VOIR FICHE INSCRIPTION DANS RUBRIQUE STAGES




mardi 10 janvier 2017

La terre des fées ; un extrait du livre "Poussière d'étoile : mémoire de galactique"



La terre des fées : un extrait du livre "Poussière d'étoile : mémoire de galactique"






J'ai depuis quelques temps, une grande envie de partager un chapitre de mon "bébé" : poussière d'étoile"...
Puisque nous parlons ici d'esprits de la nature.... alors parlons aussi d'imaginaire.... 
Imaginaire ou projection de conscience ?
Imaginaire ou une vie en parallèle d'une émanation d'âme ?
Vous savez quoi ? J'ai mis beaucoup de choses dans ce livre... beaucoup de rêves, d'imagination, et des images reçues en projection de conscience et quelques visions d’expériences passées de l'âme.
Mais je ne vous dirai pas où !
Pour vous situer la "chose" : des personnages plus ou moins farfelus traversent l'univers pour ce rendre sur une toute nouvelle planète. Ils ont pour mission d'y déposer un cristal qui permettra dans le futur, aux nouvelles civilisations, de ne pas oublier l'énergie du cœur ... Bien sûr, le voyage ne sera pas forcément de tout repos. Chassé-croisé entre différents temps et des personnages aussi différents qu'attachants. Sans oublier SI LA, la plante mi-ange mi- fleur qui éternue de la poussière d'ange quand elle est sous le coup d'une émotion et Louna, la femme bleue !
Laissez-vous rêver et si cela vous plait, plongez dans l'aventure...





Peinture acrylique originale Evelyne Cavallero

14 La Terre des fées


       Personne ne savait pourquoi cela était si important pour Mira de poser le pied sur Noria, la planète des fées et des elfes. S’ils avaient su… qu’aurait bien pu dire leur cœur !
     
       Ce monde, ils le voyaient à présent. La guerre avait eu lieu autour, mais pour détruire Noria, il avait suffi d’un seul tir du cristal de destruction de N' Nak.
       Ils avaient pu poser le pied sur Noria, mais combien de temps cela durerait-il ? Avant que le cœur de cette planète n’explose, combien d’heures s’écouleraient ?
       Voilà des questions qui restaient sans réponse, car personne ne le savait au juste. Mais tous étaient d’accord sur le fait que le temps était compté.
       Les elfes et les fées qui habitaient ce royaume n’avaient rien à voir avec l’image que s’en feraient bien plus tard les civilisations qui se succéderaient sur Gaya. C’étaient des êtres magnifiques, prodigieux, longilignes et fluides comme le vent. D'ailleurs, les éléments étaient leurs alliés, ainsi que la puissance créatrice de l’Esprit des Grands Univers. Ils savaient créer l’harmonie autour d’eux. Ils déversaient plénitude, générosité, sérénité au travers de cornes d’abondance, partout où ils oeuvraient. Ils savaient enfin, créer une nature parfaite, équilibrée et adaptée au monde qui devait l’accueillir. On pouvait encore voir des vallées ourlées de fleurs émeraude, scintillantes aux feux du couchant. Les ruisseaux chantaient toujours leurs mélodies, parfumés des doux sentiments que leur insufflaient les gardiens des eaux profondes. Mais derrière cette vision idyllique où se mélangeait la silhouette majestueuse de quelques arbres pourpres, un nuage noir venait d’apparaître. Un vaisseau de métal, sans vie, parce que les êtres qui le manoeuvraient s’étaient séparés du cœur de toute la création.
      
       Ce qui frappait le plus, c’était ce silence qui tombait parfois sur les vertes prairies. Par moment, le chant des oiseaux et celui des éléments semblaient ne plus pouvoir être audibles par des oreilles d’humains. Ce monde s’effaçait peu à peu, comme si en fin de compte, il se retranchait dans une dimension inaccessible au commun des mortels. Il en était bien ainsi. Il avait été décidé par les hautes instances que Noria devait ascensionner, c'est-à-dire commencer sa transmutation vibratoire pour entrer dans un espace-temps au-delà du monde visible depuis cet univers.       Pourtant, une portion de cette planète ne pourrait pas échapper au non-retour, à la destruction ; son corps physique, sa représentation dense. Car une partie de ce qui vivait ici avait été contaminée par la colère, la peur et la rancœur… Cette baisse de fréquence empêcherait les êtres pris dans cet engrenage, ainsi que les lieux où ils vivaient, de passer dans l’autre vibration.
       Le petit groupe avait appris cela en arrivant. Et s’ils se demandaient encore pourquoi N' Nak n’avait pas encore envoyé une autre semonce, la réponse leur vint de l’est. Lorsqu’une lueur sans précédent illumina le ciel à leur gauche et se refléta dans chaque perle d’eau du plus petit brin d’herbe, ils surent que quelque chose d’incroyable était en train de se passer.
       Puis la lueur devint une sphère immense qui rendait ridiculement petit le vaisseau de l’armée « de l’ordre nouveau ». Chacun retenait son souffle, même le vent en fit de la sorte.
       — Mais qu’est-ce que c’est, demanda Hélie ? Je n’ai jamais rien vu de tel. Cette lueur, cette douceur que je sens au fond de moi ! La sentez-vous aussi ?
       Personne ne répondit à l’Affrasien. Il n’eut qu’à regarder leur visage pour comprendre que c’était le cas.
       Cylanoé se rapprochant de Mira lui prit les mains. Ils se rapprochèrent l’un de l’autre, les larmes aux yeux. C’était de la joie, de l’amour. Celui qui dépassait la notion humaine restrictive qu’on accordait à ce mot par habitude.
       — C’est un Vaisseau de Gloire. C’est celui du Seigneur Annanda, reprit Mira émue.
       — Très chère, vos mains tremblent et vos yeux dont j’aimais voir le courroux à certains moments, se tournent vers des horizons où je ne puis vous rejoindre. Je le sens au fond de mon coeur.
       Personne, à part Mira, ne comprit ce qu’il voulait dire. Les autres ne voyaient que le regard tendre et émouvant de Cylanoé posé sur la vieille dame.
       — Ce Seigneur a fait disparaître l’instrument de guerre de N' Nak. Il a fait disparaître le « foudroyeur ». Il est intervenu pour permettre l’ascension de cette planète. C’est ce que je reçois dans mon esprit en ce moment, fit Mira. Il nous est demandé d’aider à l’évacuation de toutes les formes de vies, de tous les êtres qui ont choisi de migrer vers d’autres mondes afin que pour cet univers, toutes les créations élaborées ici ne soient pas définitivement perdues. Il nous faut trouver les responsables, les organisateurs de cette fuite et en retour notre vaisseau bénéficiera d’une aide considérable pour atteindre le but de notre mission.
       — Mais qui est-il, demanda Kann ?
       — Un grand Maître. Cylanoé se lissa la barbe selon son habitude. Il avait lâché les mains de Mira et souriait d’un air entendu. Oui, un grand être en réalité. Son vaisseau est fait de pure conscience. Il se déplace où il veut, quand il veut, mu par son souffle créateur, juste son intention. Sa force est celle de ceux qui marchent main dans la main avec l’Esprit des Grands Univers. Tout comme lui, il n’a pas de limite.
       — Alors pourquoi n’est-il pas intervenu plus tôt, reprit Kann ?
Ce fut Hélie qui lui répondit. 
       — À cause de la Loi du libre arbitre. Nous sommes régis dans cette partie du cosmos, par cette loi. Personne n’a le droit d’intervenir dans nos affaires. C’est ce que nous voulions expérimenter. Un monde sans lois divines, seulement celle de l’humain. Pourtant, il est intervenu !
       — Il n’est pas permis de mettre en danger toutes les planètes et les autres univers. L’utilisation de telles armes inclut de tels risques. C’est pour cela qu’il est intervenu. À présent, fit Louna qui retrouvait ses esprits, faisons ce que l’on nous a demandé. Venez-vous, Hélie ?
       L’Affrasien ne pouvait détacher son regard de ce soleil blanc. Sa fascination était telle qu’il faillit ne pas entendre les autres partir.
       — Un jour, moi aussi, j’aurai mon vaisseau de gloire. Cela prendra le temps qu’il faudra, mais je deviendrai moi aussi un vaisseau de pure conscience. J’en fais la promesse.
 
       Kann et Hélie n’avaient jamais rencontré de vrais elfes. Ils ne s’attendaient pas à voir ces êtres grands et fluides, œuvrer autour d’eux, avec autant de précision, de bonté et de silence. Personne ne parlait, à part ceux qui étaient désignés comme responsables de l’évacuation. Ceux-là étaient de grands Maîtres, un peu comme Mira et Cylanoé. Ils portaient de longues robes blanches, parfois rosées. Leur chevelure était abondante et retenue sur la nuque par ce qui semblait être des rubans de fils d’or. Ils s’adressaient à eux avec beaucoup de sincérité et de gentillesse, mais d’une voix sûre et volontaire. Tous les autres communiquaient par télépathie. C’était étrange, mais les deux compagnons ne furent que peu surpris dans ce monde bizarre, de percevoir eux aussi, les voix à l’intérieur de leur tête.
      
       Tout ce qui pouvait être transporté vers le vaisseau de gloire d’Annanda le fut en un rien de temps et dans un ordre irréprochable. Ce qui impressionnait le plus, c’était encore et toujours ce silence qui accompagnait chaque mouvement, chaque déplacement. Cela donnait l’impression d’un monde ouaté, aux confins du réel, non pas sur le point de disparaître, mais sur celui de se scinder en deux parties : le visible et l’invisible. Par moments, quelques cavaliers filiformes et leur monture disparaissaient comme ils étaient apparus. Ils entraient dans une sorte de brume, où ils s’effaçaient. Dans l’instant, vous pouviez vous extasier sur la robe pourpre et dorée d’une fleur, d’un arbre et la seconde suivante, les voir entrer eux aussi dans la brume et disparaître. Ils changeaient de dimension et n’étaient plus visibles aux yeux de ce monde-ci. Les deux militaires n’avaient jamais vu une chose pareille. Ils ne savaient pas s’ils devaient en être effrayés ou émerveillés.
       Ce monde n’avait rien à voir avec les différentes Terres parcourues jusqu’à ce jour. La plupart étaient des îlots de solitude, ou au contraire des mondes hyperactifs. Ils pouvaient aussi être d’aspect aride comme Affrasie et tant d’autres. Le cœur de nombreuses planètes était foisonnant de végétation et de vie, mais cela n’égalait pas ce que Kann et Hélie pouvaient voir ici. L’eau vive qui courait dans les ruisseaux, sans qu’aucune force puisse l’arrêter, devait son nom au fait qu’elle était vivante et régénératrice. Son esprit était palpable bien au-delà des mots à travers l’air, le chant des oiseaux et la beauté des cieux. Aucune créature de ce monde ne semblait être atteinte de difformités, de laideur. Un arbre même tordu créait une image qui parlait au cœur plutôt qu’à l’intellect. Kann regardait toutes ces silhouettes, ces elfes, ces sages, ces dames fées… Ils semblaient absorbés par leurs tâches, tout en étant attirés vers un lieu où les équipiers de l’Antarion n’avaient pas accès. Leur âme n’était déjà plus là.
       Cela faisait un bon moment que Kann travaillait avec trois elfes au sauvetage d’une pouponnière de petits arbres de différentes races. Ces petites pousses deviendraient un jour, sur d’autres Terres, des arbres forts et puissants qui seraient les gardiens de leur race et de leur vibration particulière, où qu’ils soient. Ils seraient des arbres maîtres et soutiendraient la création avec chaque qualité dont le Créateur, l’Esprit des Univers, les avait dotés. Ils seraient des êtres magnifiques de prestance et de rigueur. Mais, les elfes qui leur avaient voué leur vie se sentaient inquiets. Ils ne disaient mot, bien sûr, mais Kann par moments pouvait percevoir leurs échanges télépathiques. Leur monde s’en allait.     
      
       Il fallait sauver toute vie qui demandait à poursuivre l’expérience dans cet univers, toutes créatures, qu’elles soient animales, végétales, et minérales qui souhaitaient encore apprendre du chaos qui se préparait. Pourtant, se demandaient-ils : « Comment seront perçus ces êtres magnifiques que nous avons aidés à venir prendre forme sur ce plan ? Qui dans cet univers où l’amour perdait sa place, pourrait reconnaître la vie, la force, et l’âme vibrante de ces arbres, de ce peuple végétal ? »
      
       Kann n’avait jamais pensé à regarder un tronc avec des branches et des feuilles comme faisant partie du monde des vivants. Il en souriait malgré lui. Pensant que son cerveau était en train de se ramollir. « Je suis dans un rêve et je vais me réveiller, se disait-il ! » Il hochait de la tête tout en aidant les autres à déplacer la pouponnière vers le vaisseau d’Annanda. Là, d’autres êtres avec des sortes de commandes et des treuils sous forme de rayons de lumière élevaient le tout, vers les soutes, les entrailles du Vaisseau de Gloire.
       — Oui, vous avez raison, jeune Kann. Vous vivez un rêve. De ce côté de l’univers, il semble que ce soit difficile de faire autrement. Tout n’est qu’illusion. Nous faisons tous partie d’un tout. Il n’y a que la conscience habitant différents corps. Des corps individuels, des corps collectifs, des corps qui se déplacent, d’autres qui restent en place. Tous ne sont pas faits de la même matière et cela semble devenir déroutant pour certains. C’est ainsi ! Mais la plupart des hommes l’ont déjà oublié sur les autres planètes de cette galaxie et vous aussi apparemment. Oui, autrefois…
       Kann en était médusé, le seul être qui se trouvait derrière lui était un saule aux branches imposantes qui retombaient jusqu’au sol. Il était d’un vert un peu pâle et avait une certaine présence en lui. Il en imposait par sa taille mémorable. Une terreur envahit Kann. Son rêve devenait trop absurde.
       — Absurde ? Souligna Vigar, le Saule Parleur.
       — Il parle dans ma tête et entend tout ce que je pense ! Cela devient dramatique, pensa tout haut Kann qui n’avait plus aucune raison de garder cachées ses pensées. Hé ! Dites donc, vous introduire dans mon esprit… ce n’est pas interdit par vos lois ?
       Vigar sembla réfléchir un peu, surpris par les limites de son interlocuteur.
       — Jeune homme, ici, chacun utilise le monde intérieur de ses pensées pour communiquer. Si vous ne voulez pas partager vos réflexions avec les autres, évitez d’émettre des mots dans votre esprit.
       — Ouais ! Je ne suis pas sûr que cela me satisfasse, mais… je m’en contenterai. Heu, je veux dire de votre explication, parce que, quant à arrêter d’avoir des pensées, je crois que ce n’est pas encore pour demain. Je suis désolé, mais je n’ai pas l’habitude de parler… avec des arbres. Je vais donc vous laisser user de votre esprit, quant à moi, je vais utiliser la bonne vieille parole avant d’oublier comment fonctionnent mes lèvres.
       — J’ai bien peur que notre forme de communication se perde bientôt et pour longtemps, souffla Vigar. Oh, regardez, je crois que votre intervention s’impose…
       Un peu plus loin, les elfes qui faisaient équipe avec Kann étaient déjà en train d’amener une autre fournée de bébés arbrisseaux. Ce qui avait alerté le vieil arbre n’était autre que la vision de la légère brume autour des trois porteurs.
       — Ils vont passer de l’autre côté, assura Vigar.
       En un rien de temps, cela devint effectif.
       — Bon sang, ils auraient pu attendre tout de même, commenta Kann qui ramenait seul la quatorzième pouponnière vers l’embarcadère.
       — Oh ! Quand c’est le moment, c’est le moment… personne n’y peut rien. La force seule attire de l’autre côté. Il suffit d’être prêt et l’on rejoint l’autre rive. C’est une affaire de cœur. Au fait, mon nom est Vigar.
       — Enchanté ! Je crois qu’il est inutile que je me présente et je me demande bien pourquoi ?
       — Tout le monde ici, connaît Dame Mira. Nous attendions tous sa venue.
       — Alors là, je ne comprends plus.
       — Vraiment ? Alors, reprenez votre carnet de route, je suis sûr que cette destination en faisait partie.
       — Peut-être, mais à force d’essayer d’éviter les endroits où l’on ne voulait pas aller et d’y aller quand même, j’ai oublié où l’on devait vraiment aller.
       L’arbre se redressa de toute sa taille. Du moins, ce fut là l’impression de Kann.
       — Laissez tomber… moi-même, je ne m’y retrouve pas. Alors vous aussi, vous allez disparaître ?
       — Non, jeune ami, cela n’est pas mon destin. Je vais rester ici, avec quelques-uns de mes frères issus de toutes les races qui ont habité cette planète. Je sens de la compassion dans votre regard. Cela me chauffe le cœur et je vous remercie de vos sentiments, mais n’ayez aucune tristesse dans l’âme, car c’est notre choix. Nous allons accompagner le corps physique de cette planète vers sa fin, comme on accompagne un mourant, un vieux compagnon de route. Vous ne laisseriez pas un être cher dans un pareil moment n’est-ce pas ?
       — Oh ! Je ne suis pas aussi compatissant que ça… Mais qu’allez-vous devenir ? Et votre ascension, comment la ferez-vous ?
       — Eh bien, ce sera pour plus tard. Mais le temps n’a pas de mesure, jeune ami. « Plus tard » peut-être très court. Il y a plusieurs façons de faire son ascension. La mort en est une forme en quelque sorte…
       — Je ne comprends pas grand-chose à tout cela, admit tristement Kann, mes compétences en ce domaine sont limitées… très limitées.
       — Mais vous avez bon cœur, bien que vous l’ayez oublié et d’excellents professeurs ! Il est très important de savoir tirer parti des leçons que des amis qui vous sont prêtés mettent sur votre route.
       — Prêtés ! S’exclama le jeune pilote. Voilà un mot qui ne me réjouit guère.
       — Rien dans tous les univers ne nous est acquis pour toujours. Nous devons tous faire bon usage de la vie et de l’énergie que l’Esprit des Grands Univers met à notre disposition. Cela fait partie de nos responsabilités. Nous avons le devoir de prendre soin d’alimenter nos vies, nos créations, à la source de notre cœur. Nous pouvons vérifier à travers lui que ce que nous projetons de faire est un bien pour tous. Mais il est vrai que les hommes, quand ils oublient qu’ils ont un cœur qui les relie à quelque chose de bien plus vaste qu’eux-mêmes, oublient aussi cela. Ils oublieront même un jour que les animaux parlent, que les arbres parlent et sont doués de pensées, de sentiments et d’un cœur. Oh, je ne blâme pas les hommes. Car les peuples dont je suis issu, ne trouvant plus d’oreilles attentives à leurs murmures, se méfieront des hommes et s’éloigneront d’eux, dans un silence oppressant. Il en ira de même pour les autres peuples qu’ils jugeront inférieurs, ou négligeables. Pourtant, ceux-là mêmes ne cesseront de les servir dans le dévouement et le silence et à distance, en maintenant leurs vibrations, leurs qualités à portée des cœurs des hommes d’en bas. Ceci dans l’espoir qu’un jour, les humains se souviennent de leurs vieux amis d’autrefois, et qu’ils puissent demander à réapprendre toutes ces vertus qui sont les leurs de toute éternité. L’alliance ancienne sera ressuscitée et renouée. Voyez-vous chacune de ces fleurs, de ces pierres cristallines, chacun de ces arbres représente une vertu particulière, une qualité divine. Divine, parce qu’issue du cœur de l’Esprit des Grands Univers.
     
       La voix d’Hélie se fit entendre au loin. Il accourait à toute vitesse. C’est haletant et poussiéreux qu’il finit par rejoindre Kann et Vigar.
       Kann, sûr de son effet, présenta le saule à l’Affrasien qui se contenta d’un « salut Vigar », sans autre état d’âme. Kann en resta frustré. Il était donc le seul que cela étonnait encore, un arbre qui parle par télépathie ! Certes, il avait bien vu Cylanoé murmurer des choses à une forêt… mais bon, après tout, venant d’un sage magicien…
       — Il faut que tu viennes me donner un coup de main. Mira et Cylanoé sont de l’autre côté de la rive, et je ne sais pas où est passée Louna. Il y a un type là-bas, vers le versant de cette colline… c’est un fou. Il a renfermé des enfants dans une sorte de bâtiment et ne veut pas les laisser sortir. Il refuse de discuter avec moi. Je ne sais pas comment m’y prendre avec lui.
       — Tu n’as qu’à employer la manière forte !
       — J’y ai pensé, mais on est sur Noria !
       — Alors, allons trouver Louna, elle sera plus diplomate que nous. Question parole… elle saura trouver les bonnes.
       — Allons, allez-y, mes enfants. Dépêchez-vous, le temps presse. Je vais m’occuper de trouver de l’aide pour les derniers plants à sauver, ne vous en faites pas. Allez vers ces enfants. Louna n’est pas loin. Je sens sa présence au bord de la rivière pourpre. Elle doit y faire des prélèvements.
       — Des prélèvements ?
       — Cette eau ne doit pas se perdre. Ajoutée à l’eau d’une autre rivière, d’un fleuve, d’une mer, elle peut leur transmettre son énergie et transformer leurs molécules. Ce qu’elle peut transmettre est très important
       — Adieu Vigar… Kann sourit à son nouvel ami avant de tourner le dos et de partir. Et quand il fut assez loin Vigar lui répondit :
       — Au revoir, fils de Ya.

      
       Ils trouvèrent Louna, là où Vigar le leur avait dit. Elle était agenouillée près de la rivière Pourpre. Une femme elfe l’assistait. Elle avait des yeux allongés en forme d’amande, d’un bleu azuré. Elle répondait au nom de Kurian. Les deux hommes de l’Antarion n’avaient encore jamais vu d’elfe aussi grand que celle-ci. Elle dépassait Louna d’au moins une dizaine de mains.
       — Que se passe-t-il ? demanda, inquiète, la femme bleue.
       Juste à ce moment-là, un bruit sourd assorti d’un tremblement se fit entendre. Tous avaient senti sous leurs pieds ce grondement inquiétant.
Louna se tourna vers Kurian.
       — C’est notre Terre Mère qui nous avertit que son cœur va bientôt lâcher en ce qui concerne cette dimension de ses multiples corps. Elle nous prie de nous hâter. La troisième fois marquera la fin du délai, fit celle-ci.
       — Louna, fit Hélie. On a besoin de vous pour déloger un homme qui a enfermé des enfants dans une enceinte et ne veut pas qu’on les évacue. Nous avons besoin de votre voix et de votre diplomatie.
       — Un homme ? Et avec des enfants ! Mais cela est impossible, il n’y a pas d’enfants sur Noria. À moins que…
       — Oui, vous avez deviné Louna, ce sont ceux qui étaient au temple d’Horus. Enfin une partie de ceux qui étaient au temple. Je vais finir les prélèvements et les amènerai au vaisseau mère qui doit rejoindre la planète Maldeck. Ne vous faites aucun souci, faites ce que vous avez à faire, poursuivit Kurian, la femme elfe.
       — Merci Kurian. Allons, montrez-moi le chemin et faisons vites.
       
       Ils ne mirent guère de temps à rejoindre la bâtisse qu’Hélie avait quittée un peu plus tôt.
       C’était une sorte de temple voué à l’abondance, sûrement le seul endroit où des enfants ici pouvaient trouver quelque chose qui ressemblât à ce qu’ils avaient connu. Les murs cependant n’étaient pas faits de pierres, mais ressemblaient fort à une sorte de vitrage opaque.
Cette nouvelle matière était inconnu des deux pilotes.    
       — N’avancez plus, infortunés humains, leur cria un homme de derrière la porte. Vous… l’homme noir, je vous ai déjà dit que je ne partirai pas d’ici. C’est la fin des temps… laissez-nous retourner à la poussière en paix.
       — Alors, d’une part c’est la fin d’un monde et en plus ceux qui sont avec vous ont peut-être leur mot à dire, lui répondit Hélie.
       — Taisez-vous, fils de chiens. Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Ce qui a été souillé doit disparaître du monde des vivants. Ces enfants sont impurs et… mais que faites-vous ?
       Louna n’avait pas le temps d’attendre. Elle avait décidé d’agir. Hélie et Kann la regardaient médusés.
       Par la force de son esprit vivifié par les énergies de cette planète, elle était en train de démonter un des murs de lumière de l’édifice. Au fur et à mesure, en partant du haut, des pans entiers de cette matière inconnue sur d’autres mondes disparaissaient sous forme de particules qui rejoignaient les champs d’énergies non polarisés. Un homme d’un certain âge sortit précipitamment menaçant Louna de toutes les foudres. Il hurlait de colère, plein de véhémences.
       — Je me demande quel genre de discours pourrait calmer celui-là, murmura Kann à l’intention d’Hélie. Quand l’homme fut devant Louna, celle-ci poussa un profond soupir et abattit avec rapidité et une force incroyable son poing sur le nez de l’inconnu qui fut séché en un instant.
       — Court…, très court comme échange, commenta Kann.
       — Court, mais efficace, reprit Hélie. C’est une leçon de diplomatie dont je me souviendrai.
        
       Louna avait déjà appelé à la rescousse d’autres êtres de Noria. Il y avait là, au fond d’une salle vide, une vingtaine de gamins âgés de trois à dix ans, recroquevillés sur eux-mêmes. Ils avaient l’air terriblement effrayés et avaient dans le regard quelque chose d’inquiétant, quelque chose qui ressemblait fortement à du désespoir…
       — Il faut emmener ces enfants, dépêchons-nous. Faisons-les sortir et menons-les sur les vaisseaux qui partent vers la ceinture d’Orion. Allons ! Hâtons-nous et n’oublions pas cet imbécile. Louna désignait l’homme qui était toujours sans connaissance. C’est à ce moment-là qu’un autre grondement souterrain encore plus puissant se fit entendre.
       — Et de deux, fit Kann qui ressortait déjà du temple avec des enfants accrochés à sa ceinture et deux autres sous les bras.
       — Vite, vite, dépêchons… disait Louna tout en courant vers les vaisseaux qui avaient répondu à l’appel de service que le grand Annanda avait lancé. Un faisceau de lumière les engloba tous et ils se retrouvèrent au pied de la petite flotte de secours. Un nuage de papillons gros comme une main d’homme les survola un instant avant de s’engouffrer dans le vaisseau de gloire d’Annanda.
       Un d’entre eux, semblant s’être momentanément égaré, tournoya autour de Louna. Il était magnifique, comme tous ses frères. Il était d’un jaune radieux, avec des taches noires sur les ailes qui faisaient penser à des yeux.
       — Un ami à vous ? demanda Hélie.
       — Pas que je sache, bien que toute la création à l’origine n’était remplie que d’amis et d’âmes fraternelles. Mon cœur me dit qu’il s’agit en fait d’un groupe de collaborateurs de dame Nature et de Mira.
       — Eh bien ! fit Kann, on dirait que nous sommes limites, mais dans les temps quand même.
       — Notre cargaison est chargée, disait Cylanoé qui revenait vers le trio.
       — J’ignorais que l’on en avait une, fit Kann.
       — Des graines… des semences… un potentiel tout en puissance et non encore révélé, voilà ce que nous emportons vers Gaya et quelques espèces de « Dormeuses ». Cette nouvelle planète aura besoin de leur service un jour, pour permettre à Mère Nature de s’exprimer aussi sur ce Nouveau Monde.
       — Il ne nous manque que Mira, fit Louna. Ah, la voilà.
       La vieille dame avançait vers eux d’un pas assuré et un sourire énigmatique sur les lèvres.
       — Enfin ! Il nous faut partir sans délai. Filons vers l’Antarion… Puis soudain, elle se tut pour mieux écouter. Qu'est-ce que ces voix ? demanda Louna qui pour une fois ne semblait pas détenir de réponse.
       — Ce sont les voix de ceux qui restent pour accompagner le corps physique de Noria. Des chants vont s’élever ainsi de plus en plus fort pour couvrir la peur et la tristesse qui pourraient submerger notre Terre et les êtres qui ne peuvent partir ou ascensionner vers une autre dimension. Nous le ferons dans l’intérêt de cet univers. Tout a son importance. Chaque geste, chaque acte, aussi minimes soient-ils, peuvent avoir un impact jusque dans les étoiles. Nous devons adoucir cette vibration de peine et de sentiment de fin de monde pour les planètes sœurs de Noria qui vont en ressentir dans leur cœur tous les méfaits.
       — Mira ! Pourquoi dis-tu « nous » ? demanda Louna dont le cœur s’était mis à battre à se rompre. Une tache lumineuse au milieu de sa poitrine commençait à se former. Sa lueur ne cessait d’augmenter, jusqu’à ce que cette petite sphère se détache du cœur de Louna et, comme un petit soleil, vienne se poser sur celui de Mira où elle disparut.
       — Tu as repris l’énergie qui nous permettait de fusionner ! Pourquoi Mira ?
       — Parce que cela ne sera plus nécessaire. Tu l’as compris, fille de Ya. Mon voyage s’arrête ici. Je suis venue accomplir cela, pour ce monde, pour ce vaisseau-planète sur lequel j’ai tant et tant servi. N’oublie pas notre dernière discussion. Je sais que tu peux comprendre.
       — Elle peut, fit Kann, mais moi j’ai du mal. Cependant, je respecte votre volonté, Mira et… vous me manquerez. Kann ne comprenait pas ce qui se passait en lui. Il ne voulait surtout pas montrer quoi que ce soit. Mais un froid intense l’envahissait. Une peur aveugle et muette surgissait des tréfonds de son être. Son cœur se ferma encore plus lorsqu’il constata que Louna vivait l’événement avec calme et détachement, ce qu’elle était en réalité bien loin de ressentir. 
       — Vous nous manquerez Mira, fit Hélie en serrant la vieille dame dans ses bras.
       Comme beaucoup d’autres, Mira était à présent entourée d’un grand halo de lumière blanche qui descendait jusqu’à ses pieds, personne ne comprenait ce que cela signifiait, sauf peut-être Cylanoé qui parlait tout bas de sa voix chaude en elfique à la dame de son cœur, puis dans la langue des êtres bleus.
       — Mirina, Adéla : lumière et vérité, telle est notre devise. Leyda : la compassion, tel est notre cœur. Bon voyage à vous, chère âme. Nous ne vous oublierons jamais.
       — J’ai fait quelque chose pour vous, vieil homme bavard et impertinent. Mira sortit d’une des poches de sa longue robe, un des petits Cristaux chantants de Cylanoé. Sur votre bâton, il trouvera sa place. Oh ! Ne vous réjouissez pas, je n’ai contourné aucune loi. C’est avec l’accord de l’âme Mère de cette planète et celui du cœur de ce cristal que j’ai agi. Je l’ai accordé à la lumière éternelle des étincelles de vies de Noria. Ainsi, quelles que soient les profondeurs et les ténèbres où vous serez, la lumière de Noria sera avec vous et vous en aurez grand besoin. 
       Cylanoé sans rien dire l’embrassa sur le front.
      
       Gronnnm ! fit le cœur de la terre de Noria. Cette fois, c’était la fin. Les chants s’intensifiaient. Les voix s’élevaient comme un seul battement de cœur. Douce dans un premier temps et prenant par la suite de plus en plus d’ampleur. C’étaient les voix des Êtres arbres, de la rivière, des elfes, et des gardiens… Tous formaient une chaîne de cœurs à perte de vue. La brume silencieuse venait chercher les dernières âmes vouées à passer de l’autre côté du silence, vers ce plan qui ne pouvait être atteint par des yeux ordinaires. Les discours étaient superflus. Tous les vaisseaux quittaient leur piste d’atterrissage de fortune, chacun s’envolait vers sa destination.
      
       N' Nak quant à lui avait déjà pris la fuite vers une destination inconnue. Le grand Annanda serait le dernier à partir, car il accompagnait lui aussi à sa façon ceux qui avaient choisi de rester. Pour la première fois, il apparut, devant son vaisseau, immense et rayonnant de lumière. Son corps, qui ressemblait plus à une silhouette, flottait à une bonne hauteur. Personne ne pouvait distinguer de séparation entre le vaisseau de gloire et le grand Maître. C’était comme s’ils faisaient l’un et l’autre, partie de la même lumière. Par sa nature, il ne craignait rien. Ce n’était pas le cas de l’Antarion, ils n’avaient plus le temps d’attendre. Mira avait pris une dernière fois les mains de Louna dans les siennes.
       — Ne sois pas triste, sois forte. Tu viendras me chercher et nous nous reverrons. Même si cela doit être après bien des éons.
       — Je ne comprends pas, fit la femme bleue désespérée.
       — Le moment venu, tu comprendras… tu comprendras. Inscris seulement cela dans ta mémoire. Quand l’instant zéro sera là…, tu sauras. Une dernière chose… je te confie Si La. Elle sait, et elle aura un peu de mal au début.
       Louna acquiesça et laissant tomber les mains de Mira, elle se mit en marche vers les autres, les yeux vides.
     
       L’Antarion partit lui aussi, emportant dans son antre des êtres bien silencieux, seul le chant qui montait de Noria se fit entendre encore un certain temps, quand cela ne fut plus possible à cause de la distance, il continua de se faire entendre dans le cœur des hommes de l’Antarion et de tous les autres vaisseaux. Lorsque la planète se transforma en une grande lueur qui éclata comme mille soleils, la vibration du choeur des voix y survécut comme une onde sur l’eau, encore quelques instants, puis ce fut le silence.

      
       Le vaisseau noir de N' Nak et du traître Moxa avait filé dans la direction de Gaya. Ils avaient perdu la face et l’arme mise au point par leurs scientifiques. Mais ils ne renonçaient pas.
       « Il y a toujours ce cristal de force, avait dit le Raptus. Et si tu ne mens pas, Moxa, si sa puissance est telle que tu le dis, il nous servira mieux encore que le précédent. »
       — Mais, on ne l’a pas encore trouvé, soupira Moxa qui voyait ses rêves de puissance s’éloigner, d’autant qu’il n’était plus très sûr de ce qu’il avait avancé au sujet du cristal. Il se garderait bien de le dire… sa vie tenait à si peu.
       — Inutile de perdre notre temps. Nous savons où ils doivent aller n'est-ce pas ? Alors, cueillons-les tous sur cette nouvelle Terre. Ils auront ce qui nous intéresse avec eux. Mais il faut faire vite. Cette planète a été investie par ces pestilentiels Reptiles de Drac.
       — Ne sont-ils pas nos alliés ?
       — Tant que le vent n’aura pas tourné ! L’ordre nouveau ne sera pas pour ce soir, il sera pour demain.

   
       Comme l’avait promis le Seigneur Annanda, l’Antarion bénéficia d’un coup de pouce pour rejoindre au plus vite la planète Gaya. Comme par enchantement, le vaisseau à un moment donné fut enveloppé d’une lumière blanche et lorsqu’elle s’en alla, il avait fait un bond dans l’espace-temps et se retrouvait sur la bonne trajectoire. Gaya était visible sur les tableaux de bord. Le dénouement était proche, mais les cœurs malgré cela n’étaient pas à la fête.
       Si La restait accrochée au bras du fauteuil de Kann, comme si elle trouvait en étant proche de lui, un peu de réconfort. Tous avaient de la peine, mais restaient confiants et sereins au sujet de la décision de Mira.        La vieille dame leur manquait certes, mais en son honneur, ils essayaient de garder la tête haute et d’être à la mesure de ce qu’elle était. Tous ? Peut-être pas ! Kann cachait dans son cœur un nœud qui ne tarderait pas à éclater. Son malaise était grand. Il sentait une boule dans son estomac, et une sorte de montée des eaux à l’intérieur de son corps, qui ne portait pas de nom. C’était une sorte de mal sournois et indéfinissable. Il avait beau essayer de relativiser les choses, de vouloir calmer la colère qui naissait, rien n’y faisait. C’était au-delà de lui, de sa conscience rationnelle. Il avait besoin d’un exutoire, et celui-ci était tout trouvé. Il n’attendait plus que le moment propice où il pourrait lâcher sa bombe.
       — Eh bien ! Je crois que nous arriverons à temps. Nous sommes attendus sur Gaya. L’Antarion devrait bientôt déclencher un signal d’approche qui avertira nos contacts au sol, fit Louna pour combler un peu le silence. Nous leur confierons le cristal de force et nous aurons accompli notre mission. Je crois que nous pouvons être heureux de cela.
       — Heureux de cela ! s’insurgea Kann. Alors, c’est tout ce qui compte pour vous… votre fichue mission ?
       — Mais, enfin Kann, vous comprenez bien ce que j’ai voulu dire ?
       — Oh ! c’est très clair ! On peut mourir sous vos yeux, cela n’a pas d’importance du moment que vous aurez les lauriers pour avoir accompli votre mission. Il lâcha ce dernier mot avec tout le mépris qu’il put.
       — Allons Kann, tais-toi ! intervint sans résultat Hélie.
       Cylanoé commençait à froncer les sourcils, s’interrogeant sur ce qui était en train de se passer. La douce Si La était incapable de toute réaction, tellement la compréhension de son héros lui échappait.
       — Regardez-vous Louna Blou Bey ! Vous êtes sans cœur. Vous n’avez rien d’humain. Vous êtes incapable de verser une larme pour votre amie qui est restée pour je ne sais quelle raison, sur cette planète qui a maintenant rejoint la poussière interstellaire. Vous vous croyez parfaite, vous pensez être au-dessus de tout le monde, mais regardez-vous ? Qu’avez-vous donc d’extraordinaire à part votre peau bleue ? Rien ! Sinon, votre froideur et votre incapacité à aimer !
       Kann finit par se taire. Un froid glacial venait de s’abattre sur l’Antarion. Personne n’osait dire un mot. Cylanoé essayait de contenir ce qu’il avait sur le cœur afin de ne pas desservir l’esprit qui l’animait. Quant aux autres, leur état était trop confus pour qu’ils puissent réagir.
       Kann se sentait vide à présent. Cela avait été plus fort que lui et maintenant ce n’était plus de la colère qu’il ressentait, mais un serrement dans la poitrine qui annonçait une grande peur, celle d’avoir commis l’irréparable. Il était conscient de l’avoir fait délibérément et cela augmentait sa souffrance.
       Louna quitta la pièce, le regard lointain. Quelque chose l’avait quittée, peut-être un peu de vie, ou de cette énergie qui faisait d’elle ce qu’elle était.
       Personne ne prit la peine de la suivre, ils restaient tous dans la salle de contrôle de l’Antarion. Cette partie du vaisseau leur avait servi de nid et de lieu de vie depuis des mois, aujourd’hui leurs pieds semblaient y être cloués par une force insondable. Qu’auraient-ils pu bien dire à Louna… après ça ?
       — Vous n’êtes qu’un imbécile, jeune Kann, lâcha enfin Cylanoé.
       — Je n’enlève rien de ce que j’ai dit, fit Kann, d’un ton mal assuré.
       — Bien sûr que non ! Quitte à être stupide, autant l’être jusqu’au bout, n'est-ce pas ?
       — Mais enfin ! Qu’est-ce qui t’a pris ?
       — Je ne sais pas… envie de dire ce que j’avais sur le cœur, la vérité !
       — Le mensonge que vous avez sur le cœur, voulez-vous dire ! Quand cesserez-vous de vous mentir à vous-même ? « Verser une larme », je n’ai jamais rien entendu de plus stupide. Comme si vous ne saviez pas que Louna n’a jamais eu de larmes pour pleurer, tout comme son peuple. Comme si vous ne saviez pas que le chagrin ne fait pas partie de son monde, que c’est une émotion inconnue de lui. Ce que vous lui reprochez c’est de ne pas être comme vous, Kann, de ne pas être constituée comme les hommes d’en bas. Vous n’arrivez pas à accepter cette différence parce que vous avez peur qu’elle vous sépare d’elle, alors vous avez préféré le faire vous-même. Cette différence n’existe que dans votre tête. Si vous étiez plus proche de votre propre cœur, vous le sauriez. C’est vous qui n’avez pas de cœur, Kann, parce que vous l’avez mis sous terre, il y a déjà fort longtemps. Vous avez peur d’aimer et vous ne vous sentez pas à la hauteur d’un être qui possède l’amour inconditionnel dans le sien. Vous avez aussi peur de la voir disparaître, comme vous avez vu disparaître Mira. Et pire que tout, vous pensez que si Louna était un peu plus comme vous, vous pourriez l’aimer et être aimé d’elle. Pourquoi ne pas vous hisser à son niveau si vous pensez que vous êtes si différents et que cela a tant d’importance ? Vous l’aimez, Kann ! Mais vous êtes incapable de le comprendre, parce que cet amour ne ressemble à rien de ce que vous croyez connaître. Vous êtes votre pire ennemi.
       — C’est tout, demanda Kann à voix basse ?
       — Oui, j’ai fini… pour le moment.
       — Que se passe-t-il, Cylanoé ? demanda Hélie dont l’âme pressentait le pire.
       L’espace d’un instant, leur cœur cessa de battre. Un petit soleil lumineux de la taille d’un cœur venait de faire son apparition. Il venait du couloir du fond et se dirigeait tout droit vers le cœur de Cylanoé.
       Celui-ci ferma les yeux, ce qu’il redoutait venait d’arriver. Louna lui avait rendu le cœur de lumière qui leur permettait de fusionner. Tous comprirent ce que cela signifiait.
       — Je ne comprends pas pourquoi elle a fait cela, fit Kann !
       — Et tu es bien le seul, fit Hélie. Au fur et à mesure que nous avons pénétré dans cette partie de l’univers, Louna perdait de sa force. Elle luttait de plus en plus pour ne pas être submergée par les vibrations négatives que nous connaissons tous ici ; la colère, la peur, le chagrin. Elle quittait de plus en plus son état originel et le cachait de son mieux, par amour pour nous les hommes d’en bas. La force de l’esprit qui lui restait s’est évanouie en présence de tes mots. Ai-je vu juste Cylanoé ?
       — Tu as regardé avec ton cœur Hélie, et tu as vu juste.
       — Vous le tutoyez maintenant ? Bon, après tout, je l’ai bien mérité…
       — Arrêtez cela ! Vous êtes plus intelligent que vous ne voulez nous le faire croire. Laissez donc votre ego se reposer. Et pourquoi ne lui diriez-vous pas aussi que votre cœur reprend enfin les rênes de votre vie ? Nous pourrions alors nous voir, comme avec Hélie, au-delà de nos corps physiques.
    
       Louna était allongée sur son lit, dans sa petite cabine. Elle avait l’air si serein. Ses quatre compagnons étaient autour d’elle. Kann ne savait plus comment faire.
       — Pour quoi ne pas demander à Si La?
       — Inutile, il n’y a rien à faire. Elle seule peut décider. Tout ce que nous pouvons faire, c’est lui envoyer de l’amour, afin qu’elle puisse trouver la voie la plus juste pour elle et pour tous.
       Si La avait pris position sur le bras d’Hélie, non pas qu’elle en voulut à Kann, mais bien parce que celui-ci était encore dans le déni de lui-même et qu’elle avait du mal à le supporter. Sa tristesse était grande. Elle aussi avait succombé à la vibration involutive de cet univers. Les gènes de Louna qui avaient été mélangés à son ADN ne l’avaient pas sauvée de cela. Pourtant, une chose était sûre, elle voulait garder espoir. Sa famille angélique, qui était aussi celle de sa bien-aimée amie bleue, était présente, elle le sentait au plus profond d’elle-même. Alors, son cœur espérait encore un peu. La petite plante eut une intuition, elle en fit part à Cylanoé. Le vieil homme capta les messages que lui envoyait désespérément Si La.
       — Tu crois, demanda-t-il ? Bien, de toute façon cela ne pourra faire de mal.
       Il s’éclipsa un moment et revint avec dans la main son bâton, celui qu’il avait trouvé sur Tolt. Aujourd’hui, celui-ci était paré de la lumière de Noria qui brillait à travers le cristal musicien.
       — Vous croyez que ceci va la faire revenir, demanda Kann ?
       — Non ! Mais, je crois, comme Si La que cela peut lui être utile, là où elle se trouve.
       Cylanoé prononça quelques mots inaudibles et le cristal répandit sa lumière dans la pièce et peut-être au-delà du monde tangible, comme il l’espérait.
       Kann sortit de la chambre, impuissant, ne sachant comment réparer son erreur.

       Il y avait une sorte de brume tout autour d’elle. Louna ne savait rien du lieu où elle se trouvait, mais elle se souvenait d’avoir quitté le monde des vivants. Son cœur était sombre et lourd. Elle comprit aussitôt que cette brume était due à cela. Elle pouvait distinguer deux couloirs autour d’elle, un qui descendait et un autre qui semblait vouloir monter. Elle était lasse, si lasse. Sa seule envie était de disparaître, de se fondre dans la masse, de ne plus exister et de se couper de tout. Aussitôt que cette pensée prit forme dans son esprit, elle se sentit inexorablement attirée par le couloir du bas. Elle se mit à descendre dans une sorte de spirale qui semblait vouloir l’avaler. Elle eut un sursaut de peur face à ce qui l’attendait, mais son sentiment de culpabilité l’emportait sur tout le reste et elle commença à oublier d’où elle venait et qui elle était. Elle s’abandonna à la faciliter du renoncement, à l’oubli. Venant du fond de la spirale elle entendait des voix, des soupirs et des râles. Ces murmures étaient terrifiants et obsédants. Il faisait nuit et cette fois tout lui semblait irrémédiable. C’est alors qu’au-dessus de sa tête en haut du couloir, apparut cette lumière. Elle était si douce, si consolatrice. La femme qui était en train de descendre vers l’oubli se souvint alors de cette douceur comme étant quelque chose de chaud, d’accueillant et de connu. La lumière de Noria. Plus elle se focalisait sur le rayon lumineux, plus elle remontait la spirale sans en avoir conscience. Quand elle fut assez près de ce rayonnement, un autre type de lumière apparut. Elle put entendre alors des voix, une musique et sentir le parfum le plus délicat qu’elle n’eût jamais senti. La lumière devint de plus en plus intense et Louna, alors, se souvint. Elle revit les jardins de Mirinadéla, la forêt du Billann, les arbres pourpres. Pourtant, l’endroit où elle se trouvait maintenant était encore bien plus magnifique. Les fleurs géantes couvraient les sentiers, tout n’était que musique et chants angéliques. Elle reconnut d’ailleurs quelques mélodies créées par son ami Cylanoé. Cylanoé ! Son visage, elle le revoyait à présent, ses souvenirs revenaient. Elle se rappelait aussi pourquoi elle était là.
      
       Elle avança, d’abord hésitante, puis avec assurance, sur de grandes marches arrondies faites d’une matière transparente. Chaque marche était suspendue dans les airs. En posant le pied pour les gravir, à chaque fois, un son se faisait entendre, subtil et léger. Le parfum des fleurs était un délice. Chaque corolle se tournait vers elle à son passage, comme pour la saluer. Le ciel semblait être bleu pailleté d’or. Des anges vaquaient à leurs occupations tandis qu’au loin elle pouvait voir des êtres se mouvoir avec grâce et beauté. Tout n’était qu’amour et conscience. En haut des marches qui menaient à une sorte de palier circulaire ouvert aux quatre vents, il y avait un trône en or, incrusté de rubis, d’émeraudes et de diamants. Un être androgyne se tenait derrière lui. Il semblait attendre Louna. Son regard sembla à celle-ci familier, pourtant, elle en était sûre, elle ne l’avait jamais rencontré dans son univers.
       — Suis-je dans une sorte de paradis, demanda timidement Louna ?
       — En quelque sorte, répondit l’Être. Disons que tu es sur le plan le plus élevé de ta conscience. Comme tu le sais, il existe un monde pour chaque plan de conscience. Chaque être, à travers la naissance, quitte un de ces plans pour parfaire ses connaissances des mondes matériels, des univers créés, puis le moment venu retourne à l’endroit d’où il est parti. Quelques fois, des êtres ont gagné quelques galons et rejoignent après leur mort un monde supérieur. De temps à autre, ce n’est pas le cas. Toi, tu appartiens déjà à ce monde-ci. La lumière t’a guidée, mais tu as bien failli te perdre. Ce n’est pas un blâme. Ce que j’essaie de te dire, c’est que si tu le souhaites, tu peux rester ici. Regarde ce trône, c’est le tien.
       — Qui aurait envie de quitter un tel endroit, demanda Louna ?
       — Ceux qui ont le service dans le cœur. Tu as mérité de rester ici, mais est-ce vraiment ce que tu veux ?
       — Vous êtes moi, n'est-ce pas ? Vous représentez la plus haute partie de ma conscience… vous êtes l’être le plus lumineux que je puisse être ? Qui d’autre pourrait connaître le doute qui s’est abattu sur moi, avant que je quitte mon corps ?
       — Je vais te laisser quelques secondes profiter d’un peu de répit et nous reprendrons après cette conversation. Profite de cet instant pour enchanter ton âme de cette musique.
       — Je connais certains de ces airs, Cylanoé en a écrit quelques-uns, à moins que ce ne soit les anges qui les lui ont inspirés ?
       — Cylanoé est un charmant compositeur. Il sait capter les notes des vents, le son des éléments et en faire une symphonie. Le seul véritable créateur, c’est la partie de l’Esprit des Grands Univers qui est en chacun de nous. Les hommes auront besoin de musique, parce qu’un jour, ils oublieront celle de la nature ; des éléments ; des couleurs. Il faudra bien d’une façon ou d’une autre les rapprocher de leurs âmes. Tout ce qui a été envoyé dans les hautes sphères, tout ce qui a pris forme dans les hautes sphères, sera un jour capté par des esprits ouverts et cela sera un grand bénéfice pour tous.
       L’Être avait disparu, laissant Louna seule devant le fauteuil en or, si lumineux, et la vision idyllique de ce paradis retrouvé.
       S’asseoir sur le trône était quelque chose de bien tentant, mais la femme bleue comprenait aussi que si elle le faisait, elle ne pourrait plus retourner vers le monde et la vie qu’elle venait de quitter.
       À quelques pas de là étaient apparues d’étranges bulles transparentes. Elles sortaient de l’invisible, prenaient forme, restaient un moment suspendues dans les airs, puis disparaissaient. Intriguée, Louna s’en approcha. C’est ainsi qu’elle put voir qu’à l’intérieur de chaque sphère se déroulait un événement de sa vie.       
       En se penchant sur celle qui venait de faire son apparition, elle vit son père Vaillant Blou Bey, d’abord arpentant la forêt du Billann en compagnie de sa petite fille, puis l’image se focalisa sur un discours fait devant les nations des trois planètes sœurs, la Terre de Ya, Yod et Al.    Quelques bribes lui parvenaient encore aux oreilles. Les mots de paix et d’amour de son père auraient pu survivre des millénaires dans l’espace et dans les cœurs, tellement ils étaient purs et empreints de sagesse. D’autres bulles montrèrent à tour de rôle différents moments clés de la vie de Louna. Puis il y eut celle où elle put voir son cauchemar prendre à nouveau forme sous ses yeux. Elle revit encore une fois : les monts de Drac et la fin tragique des deux âmes soeurs.
       — D’accord ! fit Louna. Vous m’avez montré, chères bulles, le passé, et l’instant où tout a basculé… cela me donne envie de rester ici et d’être plus proche de ce que j’ai connu de plus beau. Avez-vous autre chose à me montrer ?
       Une sphère transparente prit forme sous les yeux de la jeune femme qui y plongea aussitôt son regard. Elle vit alors Cylanoé, avec son bâton orné du petit cristal qui méditait auprès de son corps sans vie. Il y avait là aussi Hélie lui tenant la main et la douce Si La. Elle était accrochée à l’épaule de l’Affrasien et semblait d’une tristesse épouvantable. « Pauvre plante, pauvre partie de moi. Elle a l’air aussi désespéré que ce que j’ai pu l’être, soupira Louna ». Elle s’interrogea sur Kann, aussitôt, l’image se focalisa sur celui-ci. Il ruminait tout seul devant la Voie lactée que l’on pouvait discerner au travers des panneaux centraux de la plateforme de commande. Il semblait énervé. Il se cognait le front contre les vitres ou la paroi en fonction de l’endroit où ses pas l’arrêtaient. Le poste de commande n’était pas suffisamment grand pour qu’il ait une plus vaste liberté de mouvement, alors, il se contentait de marcher de long en large devant les mêmes panneaux. Il râlait dans un jargon que Louna avait du mal à comprendre. Il parlait à quelqu'un, un être invisible. Tantôt, il le suppliait, à d’autres moments, il se fâchait fortement contre lui. Il proférait des menaces, puis il finit par se calmer.
       — OK ! Tu as gagné, disait-il.
       Il semblait avoir mis un peu d’ordre dans ses idées. Il regardait en l’air comme si son invisible interlocuteur se tenait quelque part devant lui, dans l’espace.
       — Je n’ai jamais cru en toi… en fait, je n’ai jamais voulu croire en toi. Ta force et ta puissance, je les ai senties bien des fois, mais je préférais croire qu’elles venaient de moi. Je ne voulais rien te devoir. Depuis que j’ai perdu les miens, je ne voulais plus rien devoir à personne. Je n’ai jamais été doué pour parler et si tu es vraiment le créateur de toutes choses, tu dois bien le savoir ! Je ne suis qu’un pauvre imbécile. Kann hocha la tête en signe de fatalisme. Ce n’est pas ELLE qui aurait dû partir et tu le sais. Sans elle, même si on réussit, ce qui n’est pas dit, cette mission n’aura plus la même valeur. Kann se mit à rire… Ce vieux fou de Cylanoé a raison. Je suis courageux dans les batailles, mais j’ai peur d’affronter ce qui se passe à l’intérieur de moi. Plutôt que de voir mes faiblesses, je préfère en trouver chez les autres.
Alors ! Oui ! C’est vrai que je ne suis pas parfait, que ce monde n’est pas parfait… Mais si tu aimes ce qui est juste, fit-il en haussant le ton, fais en sorte qu’elle revienne… si cela est encore possible. On n’y arrivera pas sans elle ! Je ne sais pas si je suis capable de dépasser toutes ces barrières qui me font avoir peur de la différence, de nos différences. Mais si tu peux lui parler…, dis-lui que je regrette, que je ne suis que ce que je suis. Dis-lui que si elle revient, je ferai de mon mieux pour…, les mots se perdirent au fond de sa gorge.
       Oh ! Finalement, ne lui dis rien de tout ça. Je suis là, à marchander avec toi, comme j’aurais pu le faire avec elle. Fais ce qui est le mieux pour Louna. Qu’elle suive ce que lui dit son cœur ! Ce dont je suis incapable… ce dont je croyais être incapable.
       Quand Kann eut fini de parler, la bulle disparut.
      
       Louna venait de comprendre que ce qu’on venait de lui montrer, c’était le passé avec ce qu’il avait été. Le moment charnière où son destin avait basculé et le présent. Sans cet instant, quelle que fût sa nature, ce présent n’aurait pu être. Tout avait un sens et à l’intérieur d’elle-même, rien n’avait changé. Elle voyait au-delà des mots la beauté des choses, des êtres, de la vie. Quelle que soit la tournure que prenaient les événements, sa nature profonde n’avait pas changé. Elle était toujours la même Louna de ses jeunes années. Si elle pouvait voir la beauté autour d’elle, cette beauté était toujours en elle. Et c’était ce qui faisait sa force. Où qu’elle soit, elle emmenait cette lumière. Après les derniers mots de Kann, elle comprit qu’il y avait encore de l’espoir dans le cœur des hommes, que ces hommes d’en bas n’avaient pas tout perdu. Que la flamme de la vie brûlait encore en eux ! Et que c’était vers eux, et celui qui lui avait fait tant de mal, que son cœur se tournait.
       
       Cela faisait presque une demi-heure que Louna avait quitté son corps quand quelque chose fit ouvrir les yeux à Cylanoé. La lumière de Noria venait de se renforcer toute seule. Elle rayonnait de sa plus forte chaleur, comme une balise, un appel, un guide bienveillant. Le cœur de lumière de Louna s’éveilla à son tour. À travers son vêtement, il brillait comme un petit soleil. Si La s’évanouit devant tant de bonheur, tandis que le corps de la femme bleue était secoué de spasmes. Ses poumons se remplirent d’air et cela fut douloureux. Elle toussa à s’en rompre les côtes, avant d’ouvrir les yeux. Kann qui avait senti l’agitation, plus qu’il ne l’avait entendue, s’était précipité dans la cellule. Il n’eut aucune retenue et se jeta au cou de Louna qui revenait à elle. Il la serra si fort contre lui, que tous crurent qu’il allait l’étouffer.
       — Eh bien ! fit Cylanoé. Avec vous, jeune Kann, c’est tout ou rien !
       — Désolé ! Je suis seulement content. Il souriait et était heureux. Il était sûr qu’elle lui avait pardonné.
       — Vous pouvez, fit Louna. Vous avez enfin dit deux mots sensés. Ah !        Et puis, la prochaine fois, que vous vous adresserez à l’Esprit des grands Univers, inutile de crier. Il n’est pas sourd.
       — Bon sang ! Il vous a tout dit ? Tout ? Vraiment tout ? Kann n’en revenait pas, un tantinet inquiet, essayant de se rappeler ses moindres paroles.
       Louna lui sourit d’un air entendu et se garda bien de lui donner des détails. Elle le laisserait un peu mariner, histoire d’apprécier encore un peu son air dubitatif et enfantin. Il n’avait pas fini de se poser des questions.

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